L’orgue de la chapelle Sainte-Philomène

Son histoire

La première trace d’un orgue dans cette chapelle remonte au milieu du 19° siècle. En effet, après la première campagne de restauration, les frères font appel à Claude Ignace Callinet de Rouffach en Alsace. L’orgue est réceptionné en 1854 et «l’harmonie de ses jeux produit un grand effet sonore dans le milieu où il est», selon les dires de l’époque. L’instrument est alors installé dans une tribune en bois placé au dessus du choeur sur le côté gauche.

Au cours de la deuxième campagne de restauration en 1890, les frères souhaitent acquérir un orgue plus important. Les travaux sont confiés à Joseph Merklin qui est alors installé à Lyon et concurrent direct de Cavaillé-Coll. Le nouvel instrument est placé à l’entrée de la chapelle sur une tribune en pierre sculptée et dorée qui forme le tambour de la porte. Il est réceptionné en avril 1891. Il est inauguré par un organiste aveugle. Il servira d’ailleurs pendant longtemps à l’apprentissage de la musique aux aveugles. Il a donc toujours eu une vocation pédagogique.

Un léger relevage de l’instrument est effectué en 1912 au cours duquel des relais pneumatiques sont installés pour certains jeux de la pédale comme la Soubasse et à la demande des souffleurs, une soufflerie électrique est installée (les pédales de l’ancienne soufflerie sont pourtant toujours en place).

La Fondation La Salle est propriétaire de l’ensemble du patrimoine immobilier et mobilier des sites lassaliens, dont la chapelle Ste-Philomène et son orgue.

Description

Les 31 jeux, ou registres, sont répartis sur quatre plans sonores, ce qui en fait l’un des plus importants de Lyon : Grand-Orgue, Positif, Récit-expressif pour les claviers, ainsi qu’un pédalier.

L’orgue contient au total 1662 tuyaux dont : 756 de grande taille, 162 de taille moyenne, 204 de petite taille et 540 tuyaux à anche.

L’instrument est équipé

– des accouplements (faire jouer deux claviers ensemble) Positif/GO, Récit/GO,

– des tirasses (faire jouer les claviers avec le pédalier) GO/Pédale, Positif/Pédale, Récit/Pédale.

– des pédales d’appel (permettre par l’appui d’un pied sur la pédale d’effectuer une action) : appel d’anches pour les trois claviers, pédale d’expression pour le Récit (les jeux du Récit sont enfermés dans un enclos doté de jalousies mobiles)

– d’une machine Barker (aide mécanique à la traction des notes, pour alléger l’effort des doigts) pour les deux claviers GO et Positif.

Le buffet est séparé en deux corps de chaque côté du vitrail central. La console (claviers et pédalier) est placée entre les deux, sous la fenêtre et devant la machine Barker. Il en résulte un parcours compliqué des transmissions entre la console et les deux corps de l’instrument.

Les tuyaux de GO et de Pédale sont placés dans le buffet de gauche, vu de la nef. Les tuyaux du Positif et du Récit expressif dans celui de droite, le récit étant situé en avant du positif.

Les claviers comportent 56 notes, et le pédalier 27 marches (ou pédales).

La mécanique est en chêne, les touches des claviers sont plaqués d’ivoire et d’ébène. Le nom des jeux sur les tirants des registres sont inscrits sur une plaquette en porcelaine peinte de différentes teintes selon le clavier, la nature des jeux (fond ou anche) et dorée.

Le buffet est en sapin sculpté. Il constitue la structure de menuiserie dans laquelle sont placés les tuyaux et les sommiers de l’orgue. Le buffet sert à cacher et à protéger l’intérieur de l’orgue, mais il fait aussi fonction de porte-voix et de résonateur.

Enfin, la dernière expertise en date effectuée par le Père Maurice Rousseau, expert Assistant à maîtrise d’ouvrage, montre qu’un grand nombre de tuyaux de Callinet ont été réutilisés par Merklin. Ce qui suppose d’une part que les lazaristes possèdent les plus vieux tuyaux de Lyon avec ceux de Saint-Polycarpe et ceux de St-François-de-Sales, et d’autre part, que si l’orgue est bien restauré (clin d’oeil à Michel Jurine !), on retrouvera en partie la sonorité qu’il avait en 1854.

Composition

Celle de 2013 est reconduite à l’exception de deux jeux du pédalier empruntés au grand-orgue.

Le chantier de restauration

Michel Jurine explique avant les travaux :

Aujourd’hui, l’orgue ne fonctionne plus. L’usure du temps (plus d’un siècle), la poussière accumulée, l’absence d’entretien courant, l’abandon depuis une trentaine d’années ont engendré cet état de fait. En examinant l’instrument le 20 février 2013, nous avons constaté :

★une usure de toutes les peaux : au niveau des quatre grands réservoirs, au niveau des soufflets des deux machines Barker, au niveau de tous les porte-vents. Les peaux sont « fusées », ce qui veut dire « mortes », et se coupent au niveau des plis et des articulations

★des sommiers de construction solide mais qui ont subi des variations de température. Les tables en chêne sont fendues (fentes visibles au bout des sommiers), le vent passe d’une gravure dans l’autre ; toutes les peaux des joints et les garnitures des soupapes sont « fusées ». Tables, registres et chapes sont voilés, les soufflures doivent être importantes.

★des machines Barker en mauvais état : coupure sur les pliures des soufflets, sommiers fendus, joints de peaux et feutres desséchés, plusieurs balanciers de mécaniques cassés, peaux des soupapes durcies, etc.

★une mécanique des notes qui présente du jeu sur tous les axes et paliers, tant au niveau des abrégés que des barres d’équerre et des renvois

★une console qui nécessite un gros travail de replacage en ivoire des claviers, un replacage des touches du pédalier, une restauration minutieuse de tous les organes intérieurs (barres d’équerres, barres de balanciers, vergettes, écrous de cuir, garnitures, pédales de combinaison etc.)

★une tuyauterie de grande qualité, forcément encrassée. Nous avons noté plusieurs claviers jetés au sol et piétinés. Seul un inventaire, pratiqué au moment du démontage, permettra de savoir si des tuyaux manquent à l’appel [NB: après inventaire, une cinquantaine de tuyaux manquants seront à reconstituer] .

Nous pensons que l’état actuel de l’instrument nécessite une restauration en profondeur. Un travail sur site ne saurait suffire, il serait forcément partiel ; il ne garantirait pas un résultat satisfaisant et serait de cour terme. Voilà pourquoi nous disons : il faut une restauration en profondeur.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Il faut démonter entièrement l’instrument et transporter tous les éléments dans notre atelier. C’est seulement en atelier que nous pouvons restaurer en profondeur toutes les parties de l’orgue ; car les éléments sont alors accessibles dans tous les sens et peuvent être totalement démontés, en particulier la restauration des sommiers qui constituent la partie vitale de l’instrument. Nous avons acquis une grande expérience dans la restauration en profondeur des instruments de Joseph Merklin et d’Aristide Cavaillé-Coll, nos techniques sont éprouvées.

Les opérations seront les suivantes :

  1. démontage complet et transport en atelier de toutes les parties de l’orgue
  2. restauration sur site du buffet et des charpentes
  3. restauration des six sommiers (grand-orgue, positif, récit, pédale et unit)
  4. restauration des deux machines Barker
  5. restauration de la console et des mécanismes
  6. restauration de la mécanique des notes : barres d’équerres, abrégés, vergettes, écrous de cuir, mouches et garnitures
  7. restauration de la mécanique des jeux : rouleaux, abrégés de rouleaux, équerres, grands tirants, paliers et garnitures
  8. restauration de la boite expressive et des super-structures
  9. restauration des tuyaux de bois
  10. restauration des tuyaux d’étain
  11. remontage de l’instrument sur site et réglages
  12. harmonisation et accord général.

Le démontage et le déménagement de l’orgue ont été effectués courant 2014.

Les travaux de restauration en atelier sont réalisés en 2019, 2020 et 2021 pour une remise en service prévue à l’origine en 2022. C’était sans prévoir le Covid et des travaux complémentaires dans la chapelle qui ont retardé l’échéance. La réception a eu lieu finalement le 24 avril 2024.

A la fin du démontage, Michel Jurine conclut :

« …/… La grande qualité de l’ensemble : conception intelligente, qualité des matériaux mis en œuvre, qualité du son et de l’harmonisation (nous avons soufflé à la bouche quelques tuyaux : le son se développe, chaud et timbré dans l’acoustique de la Chapelle).

Tout ceci laisse présager un orgue magnifique, historique et sans équivalent à Lyon. »